Je publie le texte de cette intervention récente sur un sujet peut-être impossible à traiter. Commentaires et remarques plus que jamais bienvenus...
Séminaire « Création »
Université Stendhal – Grenoble 3
Maison de la création
Création et innovation, l’expérience philosophique
Thierry Ménissier
Centre de recherche Philosophie, Langages et Cognition, UPMF – Grenoble 2
4 novembre 2010
Dans cette intervention (à l’invitation de la Maison de la Création de l’Université Stendhal et de Philippe Quinton, que je remercie), je voudrais réfléchir à l’émergence de la nouveauté en philosophie. Le terme pour désigner cette émergence – création ou innovation – fait question, et cette question concerne directement la représentation que l’on peut se donner de la philosophie. Le propos se concentrera sur deux dimensions : celle de l'émergence de la nouveauté dans et par l'expérience philosophique, celle du statut des concepts en tant que créations ou innovations significatives à différents niveaux.
Dans un premier temps, il me faut tâcher d’apporter une réponse à la question « qu’est-ce que la philosophie ? ».
Je définis la philosophie comme la connaissance par concepts : sa pertinence réside dans sa capacité à engendrer des notions à la fois générales et utiles [cf. Kant, 1986 : 85-146 : « Analytique des concepts »]. L’utilité des concepts tient à ce qu’ils permettent aux hommes de juger et d’agir. Pour prendre deux exemples modernes importants : sur le plan épistémologique, la notion de causalité, ou, sur le plan politique, celle de contrat social – deux notions qui font littéralement prendre leur sens à plusieurs autres, et là se joue leur « généralité » –, ont constitué de telles notions offrant des cadres mentaux et des ressources pratiques considérables pour la modernité tout entière. A ce titre, en dépit du fait qu’elle ne procède pas en mesurant ce qu’elle entreprend de connaître, donc en dépit du fait qu’elle ne s’insère pas dans le canon expérimental au sens strict du terme, la philosophie constitue une activité intellectuelle de référence pour les autres savoirs, pour les sciences exactes comme pour les sciences de l’ingénieur et pour les sciences humaines et sociales. De plus, elle se définit fondamentalement à la fois comme un savoir descriptif ou critique, et évaluatif ou prescriptif ; les concepts qu’elle propose doivent être appréhendés en fonction de leur capacité à faire connaître la réalité ou à l’interpréter, mais aussi en regard de leur potentiel d’amélioration de cette dernière. Les tensions entre le philosophe et la cité (selon le modèle instauré dès l’Antiquité) peuvent de ce fait être considérées comme structurelles pour un savoir invitant l’homme à se connaître pour vivre mieux [voir Strauss, 1987 : 158-159].
Cette définition de la philosophie, pour classique et partagée qu’elle soit, n’en demeure pas moins sujette à discussion : il y a d’autres manières de définir la philosophie, à commencer par celles des adversaires de Kant – par exemple et parmi d’autres : Hume, Schopenhauer, Nietzsche, Bergson, Sartre, Heidegger. Malgré ces divergences, le point commun à toutes les doctrines philosophiques – le point qui autorise malgré tout à parler de « la philosophie » comme de quelque chose de générique –, c’est qu’il convient pour chaque grand système d’évoquer son origine dans une expérience singulière de la pensée. Cette notion d’expérience de pensée me semble capitale : de son authenticité dépend la capacité à devenir philosophe, c’est-à-dire à construire une représentation mentale de la réalité originale et féconde, pour soi et éventuellement pour d’autres qui ensuite reprennent cette représentation à leur compte ou dialoguent avec elle.
Cette expérience me semble toujours relever de l’interrogation ; l’expérience philosophique est interrogative, de manière plus ou moins inquiète, au sens psychologique et non psychologique du terme. Elle concerne en effet d’abord un état subjectif particulier, qui s’exprime par une absence de quiétude, un défaut de tranquillité, la remise en question diffuse et d’abord non consciente de l’assiette normale des choses ou du cours normal des événements. Plusieurs auteurs parmi les fondateurs de la discipline philosophique ont tenté de formuler ce mouvement initial : ainsi, Locke, lorsqu’il veut concevoir le motif qui détermine ou met en branle le pouvoir (power) de l’action et de la pensée, le décèle dans le malaise ou absence de quiétude, le « manque d’aise » ou « mal être » (uneasiness) [Locke, 2001 : 397-398 = Livre II, Chap. 21, § 31].
On peut le dire autrement : on peut suggérer que le primum movens de l’activité philosophique est, ainsi que l’affirmaient Platon et Aristote, quelque chose comme un regard neuf sur les choses, ce qu’il nomme « être surpris », « s’émerveiller » ou « être étonné » (trois signification possibles de verbe grec thaumazein) [Platon, 1950 : Théétète, 149 b ; Aristote, 1986 : 982 b]. Par cet aspect, la philosophie concerne profondément l’émergence de la nouveauté dans la réalité : en effet, il n’est rien de plus « renouvelant » pour cette dernière que la question que lui adresse le philosophe en réponse au sentiment qu’il éprouve que les choses ne vont pas d’elles-mêmes, que la tradition manque d’évidence et que les hommes ses contemporains vivent dans l’illusion.
Que sont exactement pour l’expérience philosophique le malaise caractérisé par Locke ou l’étonnement évoqué par Platon ? Ces deux affects disent différemment le vertige initial du philosopher : la philosophie est une pratique de pensée qui se reconnaît au vertige intérieur qu’elle engendre.
En conséquence de cela, il me semble que se dégagent deux aspects complémentaires qui caractérisent l’activité philosophique en dépit des différences d’auteur à auteur.
D’une part, la novation dans la philosophie est avant tout typique du « vécu » du philosophe : cela découle du fait que ce qu’engendre le malaise ou l’émerveillement – ou bien ce qui les conditionne, le lien de causalité est ici difficile à préciser –, c’est une intuition décisive. Il est en effet difficile de préciser si le vertige initial est la cause d’une réélaboration intellectuelle fondamentale et décisive, ou si ce sont les prémisses de cette dernière qui causent le vertige. Toujours est-il que cette intuition décisive se trouve au cœur de toute grande proposition philosophique, ainsi que l’attestent ces quelques exemples, qui tous doivent à la fois être compris dans leur audace radicale et considérés en regard de leur pouvoir de rupture :
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la proposition matérialiste (Démocrite, Epicure) selon laquelle l’âme est mortelle ;
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la thèse machiavélienne que l’illusion constitue une donnée indépassable de la réalité politique ;
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la théorie cartésienne de la capacité subjective de se fonder, en matière de connaissance, sur les idées innées, abolissant la relation d’autorité au savoir instaurée par la scolastique (thèse à entendre sur le plan épistémologique, et corrélative, sur le plan pratique, de l’affirmation du libre-arbitre individuel) ;
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la tentative hobbesienne de fonder l’obligation civique sur le contrat, à savoir sur le rapport direct des rationalités et leurs intérêts particuliers, sans recours à la transcendance aux autorités jusque là convoquées pour assurer l’ordre politique : celle de Dieu, celle de la Bible, celle de l’Eglise, ou encore celle de la supériorité naturelle des rois et des nobles ;
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le monisme métaphysique de Spinoza mettant fin à la racine de la superstition et de l’intolérance, ces confusions entretenues entre les affects et la pensée ;
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la proposition en apparence modeste des empiristes (Locke, Hume) selon laquelle il convient, pour toute idée, de retrouver l’impression première qui l’a engendrée (modestie redoutable : elle contribue à tuer la métaphysique spéculative qui régissait l’activité philosophique dans son ensemble) ;
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la critique kantienne, démontrant méthodiquement les limites de l’entendement et de la connaissance par concepts (en regard des trois questions qui sous-tendent les trois Critiques : « que puis-je connaître ? », « que dois-je faire ? » et « que m’est-il permis d’espérer ? ») ; et, corrélativement, la réorientation de la métaphysique sur le plan pratique ;
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l’intuition nietzschéenne que la pensée et la vie sont animées par la « volonté de puissance », capable de métamorphoses étonnantes, et qu’elles traversent depuis quelques siècles une crise majeure, le nihilisme ;
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la proposition heideggérienne de substituer au concept de « sujet » sur lequel repose le rapport moderne au monde et au vrai par celui de « Dasein », ce qui implique la prise en compte de l’expérience de l’être à même l’existant, en poursuivant plus loin l’autre intuition nietzschéenne, celle de l’éternel retour ;
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la volonté foucaldienne (elle aussi post-nietzschéenne) de renvoyer la pensée à ses archives afin d’établir que le savoir se trouve le plus souvent – surtout lorsqu’il s’institutionnalise – lié à du pouvoir, etc.
Ces exemples classiques et bien connus – ils constituent en fait l’histoire même de la discipline – attestent que l’expérience philosophique de la pensée a été et est pouvoir de rupture vis-à-vis de la tradition ou même de la réalité ; le vertige initial bouleverse les schémas mentaux hérités. Pas la peine d’imaginer une « contre-histoire » de la philosophie pour découvrir, au cœur même de l’histoire de cette pratique de pensée, des auteurs capables de nous transmettre avec force leur propre vertige intérieur !
Dans le même temps, il faut souligner ici une distinction qui permet de comprendre un certain nombre de phénomènes : il convient de séparer « la philosophie » (activité reconnue par la Faculté – donc, savoir lié à du pouvoir –, aussi bien que corpus constitué par les académies) du « philosopher », substantif verbal qui traduit l’activité vivante de la pensée. La première se nourrit du second, car ce dernier renouvelle le savoir et les méthodes, mais également de ce fait même, surtout en période de crise, elle le combat et cherche à l’entraver. C’est dans « le philosopher » bien davantage que dans « la philosophie », me semble-t-il, que se décèle le pouvoir de renouvellement typique de cette activité intellectuelle. Or, par définition, une telle activité s’avère difficile à caractériser : voilà pourquoi il est tout à fait périlleux de proposer une définition de « la » philosophie – elle n’est pleinement elle-même que multiple ou plurielle.
Toujours est-il que, en ce qui concerne le philosopher, la figure du philosophe « différent », le thème de la « différence du philosophe » tiennent à cette manière de se rapporter au réel ou à la tradition en objectant à ceux-ci qu’ils ne sont plus pertinents ou pas fondés. Au point qu’un « grand » philosophe – un individu à qui il arrive une pensée réellement originale, et qu’il voue son existence à exprimer et à conceptualiser – est rarement compris de son temps (du moins dans la phase initiale de son expérience), et que l’originalité se paie d’un certain isolement (Descartes) ou bien de la réputation d’original voire de fou (Démocrite), ou bien de celle d’individu dangereux (Spinoza), ou bien…des trois à la fois (Nietzsche). Cette différence, Platon l’a nommée dès l’origine de la philosophie en parlant de son maître Socrate : il mentionne à plusieurs reprises l’atopia de l’inventeur de la philosophie [dans Platon, 1950 : Alcibiade, 106 a ; Banquet, 215 a ; Phèdre, 229-230 ; Théétète, 149 a], à savoir littéralement le fait qu’il n’est nulle part ou de nulle part, mieux : le fait qu’il est « hors de lieu » (a – topos), autrement dit son étrangeté, son extravagance, sa bizarrerie – Socrate, « le » philosophe, inclassable et déroutant, ex-centrique au point de sembler absurde ou de vous faire paraître vous-même absurde.
D’autre part, de là procède l’intensité vécue de l’activité mentale propre à la philosophie : le fait de posséder l’idée ou le concept de quelque chose ne signifie pas seulement, pour parler comme Descartes, qu’on en a obtenu une connaissance sinon claire (ce qui signifie qu’on la voit telle qu’elle est en elle-même), du moins distincte (on est capable de ne pas confondre cette idée et une autre) ; mais cela signifie surtout, pour évoquer cette fois Spinoza, que l’idée adéquate de la chose augmente notre puissance d’agir [Spinoza, 1965 : IIIe partie, définitions 2 et 3 et corollaire de la proposition I ; Ve partie, proposition VI]. L’expérience philosophique procède par conséquent de l’impression intense d’avoir découvert un nouveau rapport à la vérité, un rapport qui renouvelle la manière de concevoir le fonctionnement de l’esprit, l’être des éléments premiers de la réalité, la signification de l’existence humaine, ou encore le sens de l’histoire. A la rigueur, on pourrait affirmer qu’il n’y a pas d’expérience philosophique sans ce « noyau dur » d’une relation renouvelée à la vérité ; même si le philosophe ne « produit » pas, si son expérience ne se conclut pas par une œuvre, et même si c’est probablement péremptoire de déclarer cela, l’activité philosophique consiste à employer sa vie à la vérité (selon la devise de Rousseau : vita impendere vero).
Les philosophes ont été assez rarement des révolutionnaires, au sens politique du terme ; pourtant, il y a dans le rapport du philosophe au noyau dur de son intuition théorique quelque chose de révolutionnaire, ou de similaire pour l’esprit à ce qui se passe dans le cas des révolutions politiques : une instabilité croissante des évidences est vécue sur le mode du vertige, celui-ci mobilise une énergie qu’on ne se connaissait pas, et cela débouche sur ces bases radicalement nouvelles qui provoquent une différence capable de mettre les individus affectés par la nouveauté en conflit avec leurs contemporains. A vrai dire, ces derniers ne sont plus exactement leurs « contemporains » : la différence révolutionnaire de la nouvelle pensée les a fait basculer dans un autre rapport au réel.
Dans un deuxième moment de mon intervention, je vais me demander si ce qu’engendre l’expérience philosophique, c’est-à-dire les idées ou concepts, sont des créations ou des innovations. C’est une question qui apparaît plus difficile que la première, car elle n’implique pas seulement le vécu des philosophes, l’impression qu’ils ont toujours eue de pratiquer une activité innovante ou de rupture (impression le plus souvent partagée par le milieu dans lequel ils évoluaient et qu’on leur a renvoyée) ; il s’agit ici de qualifier le produit de l’expérience philosophique en regard d’autres activités humaines fondamentales, telles que l’art ou la technique.
Les termes de « création » et d’« innovation » invitent en effet à un tel rapprochement entre la philosophie, l’art et la technique.
« Création » me semble renvoyer à un acte singulier et fondamentalement mystérieux, celui de la recherche esthétique, ce travail à la fois sensoriel et intellectuel réalisé tout à la fois sur la matière, la forme et le sens. J’entends donc ici par « création » l’expression de la volonté esthétique de styliser la réalité, ce qui se traduit par l’intention d’engendrer des artefacts capables de lui conférer à la fois une signification et un sens originaux par le biais d’une reconfiguration de ses traits majeurs. En dépit de contre exemples manifestes dans l’histoire de l’art (concernant par exemple la production de séries d’œuvres), cette expression et cette intention relèvent plutôt de l’unicité de l’œuvre et de l’originalité radicale de la proposition esthétique. Enfin, on peut souligner la puissance de réorganisation de la réalité qui caractérise l’œuvre d’art, du moins pour les meilleures d’entre elles : la création esthétique participe du dynamisme de la culture quand, de par son regard étonné et étonnant, l’artiste propose des formes nouvelles capables d’induire pour ses contemporains un autre regard, une autre écoute, voire un autre sens que ceux qui étaient admis jusqu’alors. On pourrait multiplier le nombre de « premières » qui ont fait scandale, le choc social et moral provoqué par la proposition esthétique révélant évidemment ce qu’elle a surprenant mais aussi, plus fondamentalement, soulignant le travail qu’elle fait subir aux habitudes de perception et de compréhension de la réalité.
« Innovation » est un terme qui quant à lui caractérise l’émergence du nouveau dans les champs technique et social, qui répond à un besoin donné et situé historiquement. L’innovation désigne ordinairement l’émergence de la nouveauté dans le domaine de la technologie, et renvoie à la situation paradigmatique de ce qui se produit lorsqu’une invention technique modifie sensiblement les manières de faire des producteurs et/ou des usagers. Ainsi, par exemple, la machine à vapeur puis le moteur à explosion, ou encore l’ordinateur domestique (PC) puis le réseau Internet constituèrent-ils des inventions techniques innovantes, dans la mesure où non seulement à des degrés divers ils apportèrent quelque chose de nouveau sur le plan strictement technique, mais encore ils réorganisèrent l’industrie et l'ensemble de la société de leur époque. On affirme souvent que l’innovation concerne donc une invention ayant des applications pouvant répondre à des besoins. D’ailleurs, ce qui distingue une innovation d’une invention tient dans le fait que si la seconde surgit souvent de manière inopinée, la première se trouve conditionnée par ce qui est perçu comme un manque, ou comme une difficulté – la technologie (et plus généralement l’inventivité humaine) sont donc sollicités sous plus ou moins fortes contraintes, mais toujours de manière assez consciente. Toutefois cette proposition classique souffre d’un certain défaut, lié à la sous-détermination de la notion de besoin. Certes, dans le cas de l’innovation dite « radicale », l’invention innovante répond en effet à un besoin qui ne se trouve même pas encore conscient dans la société ; on pourrait dire qu’elle réorganise la société en fonction d’un besoin virtuel de cette dernière. Ainsi, cas d’école, la machine à vapeur répondait-elle aux attentes existantes en Europe au début de la société industrielle bien au-delà de ce que le plus imaginatif des industriels et ou le plus radical des penseurs sociaux contemporains pouvaient entrevoir.
Mais on peut aussi avancer, et cela est assez troublant, que le propre de l’innovation véritable est de réorganiser les besoins réels des hommes en les ouvrant à du possible, par définition non totalement prévisible : à ce titre, l’innovation technologique est capable de produire le même effet que la création esthétique, ou en tout cas un effet fort semblable – celui de modifier brutalement les manières de faire et de voir d’une époque. Corrélativement, on dispose en quelque sorte, avec le concept d’innovation, d'une idée capable de fournir une conjecture d’avance vis-à-vis du réel. Ainsi existe-t-il dans la véritable innovation une part de création – puisqu’il s’agit d’une invention originale, unique, et vectrice de sens pour les hommes.
De son côté, la création esthétique peut être rapprochée de l’innovation technologique et sociale en fonction de la reconnaissance du besoin de sens – un besoin qui n’est certes pas comme les autres besoins matériels – qui conditionne son essor. Si elle semble davantage « gratuite » que les innovations, la création n’est pas pour autant immotivée, mais s’enracine également dans la sensation (au moins diffuse et ressentie par quelques uns) d’un manque.
Après avoir caractérisé les notions de création et d’innovation, nous pouvons examiner la question : « L’expérience philosophique et l’apparition de nouveaux concepts organisés dans des doctrines relèvent-ils de la création ou de l’innovation ? ». A cette question, il apparaît difficile de répondre, et cela pour deux raisons au moins : (1) il est bien difficile de proposer une réponse compte tenu de la très grande diversité à la fois des philosophes, des situations dans lesquelles ils ont conçu leurs œuvres, et des conceptions de la philosophie induites par ces dernières ; (2) la question est redoutable du fait que la réponse induit une caractérisation affinée de quelque chose qui demeure mystérieux : la genèse d’une conception philosophique du monde.
Je commencerai en remarquant que l’on peut fort bien affirmer que la philosophie s’apparente à une innovation ; plusieurs éléments peuvent être attestés au crédit d’une telle thèse. En suggérant une telle thèse, on oriente la définition de la philosophie vers celle d’un savoir humain se trouvant, dans une large mesure, déterminé par ses conditions sociales. Et de fait, l’activité du philosophe se conçoit en regard du monde dans lequel il évolue ; je veux dire que ce que sa doctrine comprend de nouveau entretient un lien avec la réalité « située » et les problèmes rencontrés par cette dernière. Plusieurs exemples peuvent être trouvés dans la philosophie politique, un des registres de la pensée philosophique qui est le plus évidemment en relation avec ce type de problèmes : la notion de contrat social, je l’ai montré ailleurs, trouve par exemple son origine (et tire une grande partie de sa force novatrice) dans la volonté de trouver un moyen de contrer un pouvoir royal qui avait montré – au point d’acmé des guerres de religions que constitua le massacre de la Saint Barthélemy (août 1572) – de quelle violence il était capable [cf. Ménissier, 2004]. On pourrait faire des remarques comparables à propos de l’émergence du libéralisme politique moderne : ainsi que l’on suggéré de manière convaincante Hirschmann [1980] et Macpherson [2004], les idées d’auteurs tels que Hobbes, Spinoza, Locke et Montesquieu se trouvent indiscutablement prises dans le contexte tout à la fois social, économique et moral de leur époque. De ce point de vue, il semble que l’on puisse considérer les concepts philosophiques comme des outils intellectuels, ils sont liés à une préoccupation « technologique », celle qui voit l’homme tenter de se doter de représentations utiles pour penser et agir. Cela est peut-être moins net pour les autres secteurs de la philosophie, mais une telle interprétation apparaît, en droit, toujours possible à propos de n’importe quelle innovation conceptuelle.
Mais quand bien même elle est en droit toujours possible, une telle manière de considérer l’apparition des concepts est discutable, et ce à plusieurs titres. D’une part, il n’est pas certain, précisément, que tous les domaines de la philosophie (par exemple : métaphysique, esthétique, théorie de la connaissance, éthique) puisse être conçu en regard des problèmes qui se posent avec acuité sur le plan politique ; la philosophie politique constitue peut-être une exception dont il faut se garder de faire la règle pour l’activité philosophique dans son ensemble. D’autre part, cette interprétation est suspecte d’une forme de réductionnisme qu’il est possible de nommer le « fonctionnalisme ». Pour comprendre sur quoi porte le soupçon, on peut se tourner vers une remarque avancée par Hannah Arendt dans l’essai « La crise de la culture » [Arendt, 1994 : 266-268], dans un passage où cette auteure critique radicalement la conception fonctionnaliste des œuvres d’art. Les œuvres qu’engendre une époque ne peuvent être comprises par rapport aux besoins éprouvés dans ce moment par les hommes. Cela reviendrait en effet à concevoir la culture (« phénomène du monde ») à l’aune du loisir (« phénomène de la vie »). La fonctionnalité doit se concevoir en regard de la consommation, de l’acte de dévorer des objets éphémères ; la culture en regard de la durée qui met en relation le passé et le présent au sein d’une continuité sensée. On pourrait dire des concepts nouveaux engendrés par une société ce qu’Arendt affirme des tableaux ou des cathédrales : ils dépendent et ne dépendent pas des « besoins » et des « désirs » des contemporains. Comme la beauté de l’œuvre « transcende besoins et fonctions », il en va de même pour la pertinence des concepts : eux aussi « durent », au point qu’on pourrait aller jusqu’à affirmer d’eux également qu’ils « sont les seules choses à n’avoir aucune fonction dans le processus vital de la société ». Eux-mêmes paraissent fabriqués « pour le monde, qui est destiné à survivre à la vie limitée des mortels, au va-et-vient des générations ».
Autant dire que l’activité conceptuelle innovante évoque la création. Le caractère pleinement original de l’intuition fondamentale du philosophe ; à cet égard, la réception de thèses nouvelles est souvent l’occasion d’une incompréhension significative de la part des contemporains. Si le musicien, le plasticien, le dramaturge subissent parfois une violence inouïe de la part des critiques académiques, c’est qu’ils apparaissent comme des traitres. De fait, la proposition esthétique ainsi caractérisée trahit les habitudes mentales sur lesquelles repose l’ensemble du rapport à la réalité de leurs contemporains ; de ce point vue, ainsi que je l’ai indiqué plus haut, la philosophie est-elle-même une création : une invention originale d’un style de rapport à soi, de pensée et de regard de la réalité. Et à ce titre, elle est passible d’être fustigée comme traitresse aux habitudes de pensée (on pourrait évoquer à ce propos même des créations de philosophie politique, telle que celle de Marx au XIXe siècle).
Ces développements convergent vers une interrogation qui concerne la créativité proprement philosophique, cette considérable faculté d’invention. Il s’agirait notamment de savoir si elle est spécifique, ou si elle recoupe plus ou moins largement d’autres activités de l’esprit humain. Voici quelques pistes que m’inspirent les développements précédents – à la lumière de la relecture des ouvrages que la préparation de cette intervention m’a demandée.
L’opération d’invention des concepts n'est pas une réaction, elle est une action – au sens que Deleuze donne à ce terme à propos de Nietzsche dans son livre de 1962, Nietzsche et la philosophie, et même dans un des passages qui constitue le cœur de son interprétation [Deleuze, 1962 : chapitre II : « Actif et réactif » : en particulier 59-62]. Lorsqu’il analyse la qualité de la pensée à partir de sa faculté à engendrer des concepts, Deleuze suggère que pour Nietzsche, la santé provient du caractère « affirmatif » de la volonté de puissance, tandis qu’il existe un régime de cette dernière qui est « négatif ». Cela signifie que la volonté de puissance peut affirmer ou nier ; dans le premier cas, elle ouvre à un « devenir actif », dans le second à un « devenir réactif ». En tant que devenir réactif, le nihilisme lui-même (à savoir, la maladie qui affecte la civilisation européenne) est caractérisé par une généalogie particulière, dont la compréhension libère d’ailleurs la volonté de puissance active. La version psychologique vécue du devenir actif, la créativité libérée, s’oppose au ressentiment, à savoir à l’attitude réactive se tournant avec dépit vers autrui, et consistant à s’affliger de la bonne santé des autres. Deleuze ajoute cette idée forte que lorsque la volonté de puissance est active, elle est fondamentale évaluation, c’est-à-dire aussi bien capacité à se doter de nouvelles valeurs, faculté de discerner et de choisir celles qui renforcent la santé, et tendance à fuir celles qui dégradent la volonté de puissance. Une telle caractérisation de la « santé » philosophique apparaît bienvenue pour se donner une idée de la manière dont, malgré le fait qu’il se rapporte souvent à une tradition à laquelle il s’oppose, le philosophe original et créateur se situe dans un registre qui le conduit au-delà de sa réaction à la tradition.
L’opération de créativité philosophique n’est probablement pas une pure expérience logique, bien qu’elle ne se trouve jamais coupée d’une certaine logique. Ce dernier terme doit être élucidé : la logique, dans le cas de l’émergence de concepts originaux liés entre eux, c’est une relation entre des représentations mentales, assez objectivable et réempruntable par l’esprit, qui, cependant, ne vise pas dans un premier temps la conformité à un standard préexistant.
De plus, cette opération – mais ce point est particulièrement difficile – paraît renvoyer à une expérience singulière, voire solitaire. La question est posée de savoir quelle est, dans la créativité philosophique, la part du dialogue. S’il est souvent seul face dans son expérience, le philosophie (de très nombreux témoignages peuvent être cités à l’appui de cette thèse, par exemple Descartes, Rousseau, Nietzsche), le philosophe n’est pas victime de son isolement. Son expérience me paraît résider dans un véritable « face à face avec le monde ». Mais si la question est difficile, c’est qu’il faut aussi considérer les choses selon une dimension plus large : les grandes œuvres philosophiques naissent dans des contextes culturels complexes, et cette complexité provient de l’interaction entre les différentes pratiques et savoirs. Il serait totalement erroné d’affirmer que – malgré son mystère – l’invention philosophique est indépendante de cette complexité. Il est également nécessaire de garder à l’esprit ce qu’on pourrait nommer la créativité des collectifs ; nous savons pertinemment combien le philosopher est porté par des dynamiques précises (pensons aux écoles de l’Antiquité, à commencer par celle qui paraît avoir été la moins institutionnalisée, mais pas la moins créative : le Jardin d’Epicure), voire par des pratiques culturelles et des techniques spécifiques (on peut à ce titre mentionner le registre si important dans toutes les époques de la correspondance des philosophes, voire les œuvres écrites à plusieurs voix, et, de nos jours, les pratiques de texte électroniquement coproduit).
Dernier élément visant à caractériser la créativité philosophique, elle me paraît implique un effort gigantesque qui regarde la mise en œuvre d’une vision du monde, ou concerne la mise en œuvre d’une série de mondes possibles. À ce propos, je voudrais évoquer un des textes philosophiques préférés, celui écrit par Leibniz, à la fin des Essais de théodicée : il s'agit de la fable philosophique qui conte le rêve de Théodore, grand prêtre, qui fait un rêve dans le temple d'Athêna, et qui visite le « palais des destinées », une sorte d'endroit, de structure ou même de machine qui comprend tous les mondes possible. Cette réflexion sur les mondes possibles pensés / voulus par Dieu évoque le travail du philosophe lui-même, qui spécule sur les mondes possibles et engendre un qu'il juge meilleur que les autres (plus précis, plus net, plus conforme à la complexité du réel, peut-être plus juste et plus humain). [Leibniz, 1969 : §§ 414-417 : 359-362]
Une telle approche permet de saisir en quoi l’expérience philosophique, dans sa complexité (sentiment du « malaise » éprouvé par le philosophe, puis « réenchantement » du monde provoquée par l’intuition majeure qui sous-tend toute grande proposition philosophique, enfin émergence de jeux de concepts originaux) s’apparente à la fois à la création et à l’innovation.
Je terminerai cette intervention par deux remarques, qui semblent presque contradictoires l’une par rapport à l’autre, parce qu’elles ne se situent pas sur le même plan.
Il convient d’une part de souligner que ce qui brouille les lignes de démarcation bien dessinées, c’est le fait que l’activité philosophique – même la plus originale par son intuition et par ses concepts – se trouve située au confluent de plusieurs autres pratiques et discours constitués, indépendants de la philosophique, parmi lesquels la science de la nature (Aristote, Epicure, Descartes, Hobbes, Hegel et tant d’autres sont incompréhensibles sans ce rapprochement), la théologie et l’expérience du religieux (Platon, Plotin, Augustin, Thomas), la connaissance du langage et l’étude des processus cognitifs (toute la tradition dite analytique après Wittgenstein), la politique (Machiavel, Spinoza, Fichte), ou encore…l’art (Nietzsche, Heidegger) et la technique (Simondon). En d’autres termes, quand bien même la philosophie s’apparente à la création ou à l’innovation, ce qu’elle fait apparaître de nouveau provient – assez paradoxalement – du fait qu’elle accompagne des savoirs ou des pratiques, et les renouvelle en les questionnant. L'ego des philosophes dût-il en souffrir, il faut reconnaître que jamais la philosophie n’est aussi pertinente que lorsqu’on la conçoit comme un discours d’accompagnement des pratiques et des sciences qui ne sont pas elles. Et en tant que telle, elle rend un inestimable service à ces dernières Sans doute alors pourrait-on la définir comme…le plus essentiel et le plus irremplaçable des savoirs d’accompagnement ?
D’autre part, cette remarque ne doit pas nous faire regarder la philosophie comme la servante des autres disciplines : je ne prône nullement une « conception ancillaire » de la philosophie. En effet, quand bien même elle se nourrirait des autres savoirs et pratiques, le « vécu » du philosophe constitue une expérience fondamentale, d’une profondeur peu commune. A la limite, la production de concepts, de théories et bien entendu d’ouvrages, apparaît secondaire en regard de l’intensité de cette expérience. Tout se passe ici comme pour la vie de l’artiste : quelle est la relation entre la production d’œuvres et l’expérience esthétique ? Elle est à la fois importante, et relative. Certes, l’expérience esthétique ne peut pas ne pas s’objectiver dans des œuvres, mais ces œuvres demeurent toujours conditionnées à cette expérience, et sont d’ailleurs souvent perçues par l’artiste comme imparfaites, inachevées.
De même, une vie philosophique se reconnaît pour ainsi dire d’elle-même, à l’authenticité vécue de l’épreuve du sens, éventuellement originale quant aux concepts employés, mais toujours singulière et sans avoir besoin de la garantie des autorités académiques. Ainsi, la dimension de la nouveauté de la pensée se trouve par principe subordonnée à celle de l’authenticité : nul philosophe ne saurait jamais se sentir soumis à un impératif de nouveauté ! Et si tel n’est pas le cas, c’est que l’expérience de la pensée apparaît par elle-même toujours « nouvelle », quand bien même elle s’effectue dans des cadres hérités et au sein d’une tradition.
Aussi pourrions-nous affirmer que le métier du philosophe concerne une tâche de pensée sans cesse recommencée, qui accepte la tradition de l’histoire de la philosophie comme une ressource mentale non contraignante. Accepter de penser philosophiquement, cela revient à tenter de trouver le problème qui gît dans tel ou tel contexte humain, social, moral, esthétique, politique, technique, culturel, religieux – et parfois dans tout cela à la fois – selon une durée qui excède le strict niveau des « besoins » sociaux et des « désirs » individuels. Dans cette tâche, l’exemple des maîtres du passé constitue une richesse presque incroyable. Dit autrement, l’étude des maîtres du passé évoque un capital qu’il apparaît toujours possible de faire fructifier, en la mettant en dialogue avec la réalité vécue et observée.
Il semble également que l’on puisse dilapider ce capital, selon deux manières opposées : ou bien en se comportant comme un simple reproducteur de la tradition académique (attitude « antiquaire », typique d’un certain académisme), ou bien en croyant qu’on peut s’émanciper radicalement et sans difficultés des concepts et des manières de pensée hérités (attitude « irrévérencieuse », typique d’une certaine philosophie populaire).
Finalement, une des questions fondamentales que pose mon intervention, c’est celui de la temporalité spécifique de l’expérience philosophique : en tant que création ou innovation « situées », elle est de son temps ; en tant qu’elle dialogue avec la tradition, elle est d’un autre temps tout en demeurant du sien. C’est sur cette bizarrerie (il s’agit quasiment d’un mystère) que j’achèverai mon intervention, en vous lisant une belle réflexion de Deleuze et de Guattari à propos de la création de concepts qui, pour eux également, caractérise l’activité même du philosopher :
« Bien sûr, les nouveaux concepts doivent être en rapport avec des problèmes qui sont les nôtres, avec notre histoire et surtout nos devenirs. Mais que signifient des concepts de notre temps ou d’un temps quelconque ? Les concepts ne sont pas éternels, mais sont-ils temporels pour autant ? Quelle est la forme philosophique des problèmes de ce temps ? Si un concept est « meilleur » que le précédent, c’est parce qu’il fait entendre de nouvelles variations et des résonances inconnues, opère des découpages insolites, apporte un Événement qui nous survole. Mais n’est-ce pas déjà ce que faisait le précédent ? Et si l’on peut rester platonicien, cartésien ou kantien aujourd’hui, c’est parce que l’on est en droit penser que leurs concepts peuvent être réactivés dans nos problèmes et inspirer ces concepts qu’il faut créer. Et quelle est la meilleure manière de suivre les grands philosophes, répéter ce qu’ils ont dit, ou bien faire ce qu’ils ont fait, c’est-à-dire créer des concepts pour des problèmes qui changent nécessairement » [Deleuze et Guattari, 1991 : 32].
Dans cette perspective, on pourrait poursuivre cette réflexion en se concentrant sur des « travaux pratiques » en philosophie politique, sur l'émergence de deux concepts ou jeux de concepts récents, et qui définissent notre rapport à la contemporanéité en caractérisant une forme de postmodernisme philosophique : ceux de biopolitique et de biopouvoir [Foucault, 2004 a et b], et ceux d'empire et de multitude [Hardt et Negri, 2002 et 2004]. Mais ce pourrait être l'objet d'une invitation à revenir parler dans ce séminaire...
Séminaire « Création »
Université Stendhal – Grenoble 3
Maison de la création
Création et innovation, l’expérience philosophique
Thierry Ménissier
Centre de recherche Philosophie, Langages et Cognition, UPMF – Grenoble 2
4 novembre 2010
Références bibliographiques :
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Arendt (Hannah), 1994, La crise de la culture. Huit exercices de pensée politique [1968], trad. sous la dir. de P. Lévy, Paris, Gallimard.
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Aristote, 1986, Métaphysique, trad. J. Tricot [1966], Paris, Vrin.
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Deleuze (Gilles), 1962, Nietzsche et la philosophie, Paris, PUF.
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Deleuze (Gilles) et Guattari (Félix), 1991, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Editions de Minuit.
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Foucault (Michel), 2004 a, Sécurité, Population, Territoire, Cours au Collège de France, 1977-1978, Leçon du 11 janvier 1978, Édition établie sous la direction de François Ewald, Alessandro Fontana et Michel Senellart, Paris, Gallimard-Le Seuil.
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Foucault (Michel), 2004 b, Naissance de la biopolitique, Cours au Collègue de France, 1978-1979, Leçon du 10 janvier 1979, Édition établie sous la direction de François Ewald, Alessandro Fontana et Michel Senellart, Paris, Gallimard-Le Seuil.
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Hirschmann (Albert O.), 1980, Les passions et les intérêts. Justifications politiques du capitalisme avant son apogée [1977], trad. P. Andler, Paris, PUF.
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Kant (Immanuel), 1986, Critique de la raison pure, trad. A. Tremesaygues et B. Pacaud, Paris, PUF.
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Leibniz (Gottfried Wilhelm), 1969, Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme et l'origine du mal, Paris, Flammarion.
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Locke (John), 2001, Essai sur l’entendement humain, Livres I et II, trad. J.-M. Vienne, Paris, Vrin.
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Macpherson (Crawford Brough), 2004, La théorie politique de l’individualisme possessif, de Hobbes à Locke [1962], trad. M. Fuchs [1971], réédition avec une postface de P. Savidan, Paris, Gallimard, « Folio Essais ».
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Ménissier (Thierry), 2004, « Du serment au contrat dans la pensée des Monarchomaques » dans Cléro, J.-P., et Ménissier, T., dir., L’idée de contrat social. Genèse et crise d’un modèle philosophique, Paris, Ellipses Marketing, p. 15-33.
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Hardt (Michael) et Negri (Antonio), 2000, Empire, trad. D.-A. Canal, Paris, Exils.
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Hardt (Michael) et Negri (Antonio), 2004, Multitude, Guerre et démocratie à l’âge de l’Empire, , trad. N. Guilhot, Paris, La Découverte.
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Platon, 1950, Œuvres complètes, tomes I et II, trad. L. Robin, Paris, Gallimard.
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Spinoza (Baruch), 1965, Ethique, dans Œuvres, tome III, trad. Ch. Appuhn, Flammarion.
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Strauss (Leo), 1987, La cité et l’homme, trad. O. Berrichon-Sedeyn, Paris, Pocket.
Pour citer cet article : Ménissier, T., "Création et innovation : l'expérience philosophique", Intervnetion au séminaire "Création", Université Stendhal - Grenoble 3, 4 novembre 2010.