Caspard David Friedrich,
Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818
Kunsthalle de Hambourg
Cycle "L’Instant Philo", Saint-Martin d’Uriage, centre culturel Le Belvédère, jeudi 21 mars 2013, 20 heures.
L’esthétique comme quête : à la recherche d’une relation authentique à la nature ?
Conférence de Thierry Ménissier
Qui, lors de certaines courses sur terre ou sur mer, n’a ressenti qu’il se passait parfois quelque chose de spécial dans la relation aux éléments, quelque chose d’irréductible à l’activité ordinaire, et qu’on peine à qualifier avec précision ?
Des mots viennent souvent à l’esprit, mais s’ils semblent tentants ils paraissent également insuffisants : impression de vivre des moments qui ont du sens, voire qui sont sacrés (mais sans que Dieu ni les dieux n’y entrent en rien), puissante présence à soi et à la nature, enfin sensation de faire partie de cette dernière. Des auteurs ont tour à tour évoqué l’extase matérielle (J.MG. Le Clézio) et le sentiment océanique (Romain Rolland), et l’alpiniste Reinhold Messner parlait de l’ivresse des cimes…Toutes ces tentatives visent-elles à cerner quelque chose comme le « sentiment du monde » ?
En d’autres termes, les éléments naturels nous motivent : la montagne, le désert ou encore l’océan représentent davantage que le théâtre de nos déambulations – si la recherche de la nature peut apparaître comme le motif de nos engagements, c’est peut-être que les éléments dont celle-ci se compose constituent une forme de nourriture spirituelle. Qu’est-ce qui se joue dans une telle relation à la nature, dont on peut remarquer qu’elle peut être revendiquée par des gens extrêmement divers, et notamment par des personnes hautement socialisées et considérées par les autres comme parfaitement "raisonnables" ? Peut-on parler d’une quête dont l’esthétique est la finalité ?
Mon intervention vise à caractériser le plus précisément possible cet ensemble d’impressions, en posant diverses questions philosophiques. Par exemple, l’origine de ce sentiment réside-t-elle plutôt dans une projection dont l’homme serait responsable, ou les conditions naturelles nous en sont-elles initialement données ? Dans ces moments spéciaux, quelle relation s'institue intimement entre la conscience et la sensibilité ? Le sentiment produit par les éléments est-il lié à une forme de "performance" ou bien relève-t-il de la pure "contemplation" ? Quel rapport aux risques encourus, au danger de mort, et à l’intuition qu’on a intimement de cette dernière ? Quel type d’espace-temps se trouve ouvert grâce à cette expérience ? Quel degré de préparation est-il nécessaire d’avoir reçu par son éducation pour l’éprouver ? Quelle fonction de tels moments sont-ils amenés à remplir dans la vie de l'homme socialisé ? Enfin, s’agit-il de quelque chose d’appréhendable grâce aux catégories de l’esthétique – et si oui laquelle : classique, romantique ou contemporaine ?
« Tu es plus beau que la nuit. Réponds-moi, océan, veux-tu être mon frère ? »
Lautrémont, Chants de Maldoror, Chant premier.
Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles.
Pour se rendre au Belvédère de Saint-Martin d’Uriage :
http://www.saint-martin-uriage.com/6.aspx
http://www.saint-martin-uriage.com/Documents/Programme%20Belvedere_2012-2013.pdf