Ce soir, je suis invité au cinéma Le Capitole d’Uzès à intervenir sur le film Hannah Arendt de Margarethe von Trotta
http://www.cinemalecapitole-uzes.com/index.php
Le film de Margarethe von Trotta n’est pas exactement un biopic sur la philosophe germano-états-unienne, il s’agit plutôt de concentrer l’attention du spectateur sur une controverse et sur ses enjeux moraux et politiques (puisque le film retrace la manière dont Arendt a élaboré ses hypothèses relativement à la culpabilité d’Adolphe Eichmann et à la « banalité du mal » alors qu’elle couvrait le procès à Jérusalem pour le magazine New Yorker).
Si par d’autres aspects, il s’approche du biopic, c’est que le fim de von Trotta met en scène la personnalité d’Arendt, d’abord dans son milieu social (le cercle des amis intellectuels allemands, américains et israéliens, ses relations avec Heidegger), ensuite, lorsque la controverse fait rage, face aux médias, aux étudiants et aux responsables de l’Université.
Certes, ce n’est pas la première fois qu’un cinéaste de talent entreprend le difficile exercice de filmer « un philosophe à l’œuvre ». On peut citer le Descartes de Roberto Rosselini sorti en 1974 (http://www.imdb.com/title/tt0161382/), et plus récemment le Spinoza, Apostle of Reason écrit par Tariq Ali et réalisé par Christopher Spencer de 2011 (http://www.youtube.com/watch?v=4zbDGDdoq-o), voire le Lattuada sur Machiavel, La Mandragore de 1965 (http://www.youtube.com/watch?v=eopDcaRCPm8).
Mais la tentative qui se rapproche le plus de celle de von Trotta est probablement Agora, le film d'Alejandro Amenabar de 2010 sur le destin d’Hypatie à Alexandrie (http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=134194.html) : il s’agit de filmer le courage d’une femme philosophe face aux préjugés et à la violence.
Peut-on restituer le style philosophique si puissant d’Arendt dans la seule controverse à propos d’Eichmann ?
La focale n’est-elle pas trop étroite pour que cette « déclaration d’amour » au personnage et à la personne d’Hannah Arendt soit réellement aboutie ?
Pourquoi – particulièrement concernant Arendt – s’avère-t-il philosophiquement très important de filmer et de dramatiser cette controverse ?
Sur le fond, les thèses d’Arendt trahissent-elles de la part de leur auteure (ce qui n’est pas peu de choses quand on traite d’Eichmann) un excès…ou une absence d’émotion ?
Peut-on faire l’hypothèse qu’il un lien mystérieux, comme semble le suggérer le film de par son écriture même, entre l’attitude d’Arendt envers Eichmann et sa relation avec Heidegger ?
Ce sont les questions que j’examinerai ce soir…
En complément, quelques réactions à propos du film, de collègues philosophes et de journalistes
Barbara Cassin :
http://next.liberation.fr/cinema/2013/04/23/ce-qui-choque-c-est-le-mal-sans-motif_898402
Simone Manon :
http://www.philolog.fr/le-mal-radical-kant-arendt-a-propos-du-film-hannah-arendt-de-m-von-trotta/
(Il est également nécessaire de faire une place, sur le fond, aux travaux remarquables d’Isabelle Delpla, par exemple ici :
http://www.raison-publique.fr/article426.html)
Jean-Michel Frodon :
http://www.slate.fr/story/71481/hannah-arendt-margarethe-von-trotta
Pierre Haski :
http://www.rue89.com/rue89-culture/2013/04/24/avant-daller-voir-film-hannah-arendt-lisez-241752
Olivier Grinnaert
http://www.lepasseurcritique.com/critique-film/hannah-arendt.html
Eugénie Bastié