Dans Philosophie de la corruption, le livre que je présenterai prochainement à la Librairie Arthaud de Grenoble à l'invitation de la Société alpine de philosophie (1), j’ai voulu réfléchir cette notion comme un « mal du dedans », ceci valant pour n’importe quelle forme d’organisation, publique certes (puisque les différents Codes fournissent un ensemble cohérent de définitions solides) mais également non-publique - dans l'analyse que je développe, une entreprise, une association peuvent connaître les mêmes difficultés.
Ce mal, je le définis génériquement comme la captation particulière des ressources communes, ce qui affecte le potentiel d’un collectif, et grève sa liberté d’agir et de vouloir. On reconnait un mauvais leadership à cette captation, sourde ou, pire encore, au vu et au su de tous.
Qu’on ne se trompe pas sur mon intention. Mon propos n’est ni de dénoncer ni de « purifier », mais de contribuer à la compréhension des structures sociales à travers l’analyse de ce mal – une compréhension dynamique, en fonction de l’évolution passée et possible des ensembles sociaux. Le recours à la connaissance historique éclaire les faits sociaux, j'ai voulu saisir le fil ténu qui, en observant nos contemporains, court de l'Antiquité gréco-romaine à nos débats d'aujourd'hui. En m'attardant, bien, évidemment, par ce moment fondateur de la République florentine.
La corruption m’est apparue comme un fléau pour les organisations, mais sa persistance à travers différentes formes atteste aussi de sa dimension indépassable ; et cela résulte du caractère structurant de ce que j’ai appelé « le pouvoir oblique ». Ambiguïté que la figure de Laurent de Médicis, le "Magnifique" mécène et protecteur des arts et des lettres, suffirait presque d'elle seule à illustrer.
Assumer cette ambiguïté, c’est le fruit de ma décision d’adopter, en penseur politique à la recherche de la « vérité effective de la chose », une position réaliste. Pas de bonne conscience ni de cynisme, mais, au final, un livre qui produit probablement de l’inconfort.